«Petit pays», roman homonyme de Gaël Faye et succès littéraire fulgurant paru en 2016, sort enfin en film, réalisé par Eric Barbier. Quatre ans plus tard, la version cinématographique raconte le génocide du Rwanda, à travers les regards juvéniles d’enfants rwandais.
Le long métrage d’Eric Barbier s’annonce émouvant de par son lancement et sa bande-annonce, contrairement au livre qui n’a pas versé dans le pathos. Ponctué de scènes de violence et de guerre qui peuvent heurter la sensibilité du public, l’avertissement est affiché d’avance. «Petit Pays» dont la projection est programmée à l’Institut français de Tunisie, avant d’être diffusé dans les salles de cinéma de la capitale, nous plonge dans les années 1990, où on fait la connaissance d’un petit garçon qui vit au Burundi avec son père, un entrepreneur français, sa mère rwandaise et sa petite sœur. Il passe son temps à faire les quatre cents coups avec ses copains de classe jusqu’à ce que la guerre civile éclate, mettant brutalement un terme à sa douce enfance.
L’œuvre est foncièrement historique : elle traite d’une thématique rarement relatée au cinéma, celle de la guerre civile sanguinaire rwandaise, de sa brutalité et de son impact profond sur la mémoire collective de son peuple. Un peuple condamné à vivre avec ses séquelles, jusqu’à nos jours, 30 ans plus tard. Une douleur perpétrée à travers les générations. Le public se laisse porter par l’histoire, tenue par des enfants, à la prestation admirable et attachante : mention spéciale au héros principal qui campe le rôle de Gaby. Techniquement, les plans sont à couper le souffle, filmés dans des paysages rwandais. L’immersion visuelle est garantie. La narration, elle, happe le spectateur à travers des moments touchants, d’une grande sensibilité, et une violence hors du commun. Le rôle du père français installé au Rwanda, interprété par Jean-Paul Rouve (grand acteur connu davantage dans un registre comique), parvient à conquérir les spectateurs et valorise le talent de son interprète. D’autre part, il est à noter que la plupart des acteurs qui jouent dans le film ne sont pas acteurs et n’ont jamais joué face à la caméra auparavant. Une grande partie du casting est composée de jeunes réfugiés rencontrés dans des camps, en particulier ceux qui ont joué le rôle des terroristes, bandits : ils sont issus du refuge burundais de Mahama. Le réalisme de leur jeu découle de leurs propres vécus : les affrontements, la rue et les guerres, ils connaissent déjà.
Atout fort
Le point déroutant du film, sa construction, faite de deux contrastes : un aspect douillet, familial, humain qui situe le public au Rwanda paisible, et le 2e aspect qui plonge le spectateur subitement dans la brutalité. Une violence condensée est étalée dans un laps de temps précis à des fins scénaristiques et filmiques. Ames sensibles s’abstenir : le long métrage met la lumière sur une page douloureuse de l’histoire du Rwanda. Un film qui a la vocation de sensibiliser à travers le cinéma sur le vécu méconnu d’une nation africaine.